Rue et espace robomobiles
Si on en croit la presse et les enquêtes d’opinion, les représentations individuelles de la robomobilité se polarisent autour de la croyance ou non, que cette super-voiture augmentée dotée de super-pouvoirs, puisse circuler sur les routes à un horizon plus ou moins proche, plus ou moins lointain. On débat des bénéfices en matière de sécurité : le véhicule autonome va-t-il sauver des vies ? On discute de ce que les individus « libérés » de cette contrainte de « conduire » feront à bord des véhicules : vont-ils travailler, dormir, regarder un film ? On imagine des rues sans bouchons, des villes fluides, des réseaux auto-régulés et optimisés. Mais d’où viennent ces visions, ces images, ces discours ? Qui parle de la robomobilité ?
Les premières traces d’un discours sur la voiture autonome proviennent des acteurs de l’industrie automobile elle-même dès le début du XXe siècle. Le cinéma et la littérature de science-fiction, essentiellement américaine, intègrent et mettent en scène des voitures autonomes, dans leurs récits futuristes ou dystopiques. Ces mêmes acteurs du secteur automobile sont toujours présents (sous d’autres formes...) et continuent à produire des discours sur le véhicule autonome, mais ils sont aujourd’hui largement concurrencés par de grands groupes du numérique. On entend plus, on voit plus et on prête plus d’importance à ce que Google, Uber, Tesla ou Alibaba vont annoncer, raconter et conjecturer, que ce que Renault, Toyota, General Motors ou Volvo essayent de développer.
Ainsi, les imaginaires robomobiles, définis comme ces collections d’images, de récits, de mots, d’expériences, de sensations, d’artefacts, sont actuellement largement dominés par le monde technologique et industriel. Or, ces acteurs, au-delà d’une concurrence effrénée qui les opposent à l’échelle mondiale, poursuivent leurs intérêts propres, qui ne sont ceux nécessairement portés par la puissance publique sur le long terme. C’est pourquoi l’Atelier prospectif investit cette thématique des imaginaires dans une direction, qui est celle de « détotaliser » les imaginaires, dans la mesure où il est primordial de donner à voir toute la diversité des futurs de la robomobilité. La vie robomobile ne sera pas monochrome. La puissance publique a un rôle à jouer dans cette « bataille des imaginaires », pour veiller à ce que les enjeux de société et du bien commun ne soient pas une conséquence de grandes ruptures technologies subies. En produisant du discours sur la robomobilité, la puissance publique atténue le risque de se faire confisquer le débat par la « machine à réclame » des promoteurs industriels du véhicule autonome.