Normes et référentiels

En France, le décret 2009-697 paru le 16 juin 2009 fixe le statut de la normalisation au niveau national. Il définit le système français normalisation, les missions d’intérêt général confiées à l’AFNOR (Association Française de Normalisation) et un certain nombre de notions concernant l’élaboration, l’homologation et l’application des normes.

On pourra notamment retenir dans ce décret la définition suivante (cf. article 1er) :

« La normalisation est une activité d’intérêt général qui a pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, portant sur des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations.

Elle vise à encourager le développement économique et l’innovation tout en prenant en compte des objectifs de développement durable, ainsi que (article 17) :

« Les normes sont d’application volontaire. Toutefois, les normes peuvent être rendues d’application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l’industrie et du ou des ministres intéressés.

Les normes rendues d’application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l’Association française de normalisation. » Etant à la fois un domaine stratégique à plusieurs égards et pourtant mal comprise ou connue sur un certain nombres d’aspects, cette rubrique s’attache à donner de manière non exhaustive un ensemble d’informations sur la normalisation et les normes dans le domaine des ITS.

Panorama général de la normalisation

1. Pourquoi participer à la normalisation ?

2. Comment est organisée la normalisation ?

3. Quel sont les acteurs de la normalisation au niveau français ?

1. Pourquoi participer à la normalisation ?

L’article 1er du décret 2009-697 donne, sans être exhaustif, des éclairages sur le rôle que joue la normalisation.

« Elle vise à encourager le développement économique et l’innovation tout en prenant en compte des objectifs de développement durable. »

De manière plus détaillée, on peut aussi penser aux rôles suivants :

  • outil d’échange (permettant ainsi le développement des marchés ou la clarification des transactions)
  • outil de développement pour l’économie (grâce à une rationalisation de la production ou le transfert de technologies nouvelles)
  • outil de transparence et de progrès (éclairant un utilisateur pour le choix des produits)
  • outil stratégique pour l’entreprise (à travers une norme vecteur d’innovation, d’anticipation ou d’évolution)
  • outil pour porter des politiques publiques (exemple du développement durable)

2. Comment est organisée la normalisation ?

Le système de normalisation s’inscrit sur trois niveaux / trois filières :

2.1 Au niveau français

Au niveau français, l'AFNOR et les Bureaux de Normalisation contribuent à l’élaboration des projets de norme. L’AFNOR est par ailleurs le représentant officiel et formel français dans les structures européennes et internationales.

2.2 Au niveau européen

Au niveau européen, le Comité Européen de Normalisation (CEN) est l’organisme en charge de l’élaboration des projets de norme. Il est constitué de :

  • une Assemblée Générale (qui dispose du pouvoir d’établir ou de ratifier les actes qui intéressent le CEN)
  • un Conseil d’Administration (qui dirige les travaux du CEN et coordonne l’action de tous ses organes)
  • un Bureau Technique (qui est responsable du développement des politiques techniques et de la gestion globale des activités techniques)
  • de nombreux Comités Techniques sectoriels (en charge de la programmation et de la planification du travail technique, de la préparation des projets pour la mise en enquête et vote formel)

Il est à noter que le CEN traite de tous les domaines d’activité, à l’exception de l’électricité/électronique et les télécommunications.

Pour le domaine de l’électricité/électronique, le Comité Européen de Normalisation Electrotechnique (CENELEC), basé à Bruxelles, est l’organe officiel.

Pour le domaine des télécommunications, l’Institut Européen de Normalisation des Télécommunications (ETSI), basé à Sophia-Antipolis, est l’organe officiel.

2.3 Au niveau international

Au niveau international, l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) est l’organisme en charge de l’élaboration des projets de norme. Il est constitué de :

  • une Assemblée Générale (qui approuve le rapport annuel, le plan stratégique pluriannuel et d’autres rapports)
  • un Conseil (qui dirige et administre l’ISO et oriente la stratégie de l’ISO à moyen et long terme)
  • un Bureau de Gestion Technique (qui est responsable du développement des politiques techniques et de la gestion globale des activités techniques)
  • de nombreux Comités Techniques sectoriels (en charge de la programmation et de la planification du travail technique, de la préparation des projets pour la mise en enquête et vote formel)

Comme au niveau européen, deux organismes interviennent dans des domaines spécifiques :

Pour le domaine de l’électricité/électronique, la Commission Electrotechnique Internationale (CEI), basée à Genève, est l’organe officiel.

Pour le domaine des télécommunications, l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), basée à Genève, est l’organe officiel.

3. Quel sont les acteurs de la normalisation au niveau français ?

Dans le système français de normalisation, un certain nombre d’acteurs interviennent à divers niveau et à plusieurs titres.

3.1 AFNOR

L’AFNOR (Association Française de Normalisation) est en fait un groupe composé de plusieurs entités :

  • AFNOR Normalisation (qui recense les besoins, élabore la stratégie normative, coordonne et oriente l’activité des bureaux de normalisation)
  • AFNOR Certification (qui délivre les marques les plus connues du secteur - NF et AFAQ)
  • AFNOR Compétences (qui propose des formations en management qualité, sécurité et environnement)
  • AFNOR Éditions (qui propose un catalogue multi support d’environ 35 000 références normatives)

L’AFNOR a comme particularité d’être au service de l’intérêt général pour sa mission de normalisation tout en exerçant une partie de ses activités dans le domaine concurrentiel.

AFNOR Normalisation a notamment pour mission :

  • d’animer l’ensemble du système français de normalisation
  • de participer aux systèmes européens et international de normalisation
  • d’homologuer, diffuser et promouvoir les normes

3.2 Bureaux de Normalisation

Vingt-cinq bureaux de normalisation en France participe, dans leur domaine de compétence et par délégation d’AFNOR, à l’élaboration des projets de norme. Ils ont pour mission :

  • d’animer des instances de normalisation (commission de normalisation typiquement)
  • de proposer des programmes annuels
  • de proposer des positions nationales sur les plans européens et international
  • de préparer les projets de norme
  • de piloter la participation des experts aux instances de normalisation

AFNOR a aussi un rôle de bureau de normalisation pour les travaux horizontaux et multisectoriels, ainsi que pour les secteurs ne disposant pas d’un bureau de normalisation.

3.3 Pouvoirs publics

Le ministre en charge de l’Industrie exerce une tutelle sur le système français de normalisation et :

  • agrée les bureaux de normalisation
  • définit la politique des pouvoirs publiques en matières de normes
  • est consulté pour l’homologation de tout projet de norme et peut s’y opposer en faisant jouer un droit de veto

3.4 Experts

A la base du processus de production des normes, les experts :

  • siègent dans les structures de travail en tant que représentant de parties intéressées
  • participent à l’élaboration du contenu technique des normes
  • peuvent participer aux travaux européens et internationaux
  • contribuent à la pertinence des normes

 

Notions autour des normes

1. Quels sont les différents documents issus du processus de normalisation ?

2. Comment ces documents sont-ils élaborés en France ?

3. Comment ces documents sont-ils élaborés au CEN et à l’ISO ?

1. Quels sont les différents documents issus du processus de normalisation ?

Différents types de documents peuvent être produits par les divers organismes de normalisation.

Le document peut varier du point de vue du contenu :

  • document "fondamental" (sur des notions de terminologie, de métrologie, de statistiques ou de signes par exemple)
  • document de spécification (fixant des caractéristiques ou des seuils de performance)
  • document de méthodes d’essais (permettant de mesurer les caractéristiques d’un produit ou d’un procédé)
  • document d’organisation (sur les fonctions, les liaisons, les activités d’une entreprise)

Les organismes de normalisation distinguent par ailleurs deux grandes familles de documents.

Les documents normatifs représentent tout d’abord la très grande majorité des documents produits avec :

  • la norme homologuée, qui peut servir de référence dans une règlementation ou un marché public. En France, elle est référencée par le préfixe NF
  • la norme expérimentale, qui est utilisée lors d’une période d’expérimentation ou de mise à l’épreuve, avec un délai maximum de 5 ans avant d’être transformée en norme homologuée, remise à l’étude ou supprimée. Référencée en France par le préfixe XP
  • le fascicule de documentation, qui est un document d’information et n’a pas de contenu à caractère normatif. Référencé en France par le préfixe FD

D’autres documents, dits de référence, existent :

  • l’accord, qui est produit par un ensemble d’acteurs volontaires. Référencé en France par le préfixe AC
  • le référentiel de bonnes pratiques, qui répond aux besoins d’une profession pour se faire connaître ou reconnaître. Référencé en France par le préfixe BP
  • le guide d’application, qui facilite l’application de norme pour une catégorie d’acteurs particuliers par exemple. Référencé en France par le préfixe GA

Il est à noter que le CEN et l’ISO produisent aussi des documents de normalisation aux références suivantes :

  • EN pour une norme européenne et ISO pour une norme internationale
  • TS pour une spécification technique (pour le CEN ou l’ISO)
  • TR pour un rapport technique (pour le CEN ou l’ISO)

2. Comment ces documents sont-ils élaborés en France ?

Les documents de normalisation suivent en France un certain nombre d’étapes et leur durées d’élaboration peuvent varier.

2.1 La demande

Tout acteur socio-économique peut demander à lancer un nouveau travail de normalisation auprès d’AFNOR ou d’un bureau de normalisation (en fonction du sujet).

2.2 L’évaluation d’opportunité

L’AFNOR ou le BN instruit ensuite la demande en évaluant l’opportunité de lancer le travail en question dans le domaine envisagé.

Sont examinés :

  • le champ couvert
  • les objectifs, justifications et contexte
  • l’identification des parties intéressées ainsi l’implication escomptée
  • le recensement des documents pertinents
  • la nature du programme de travail

2.3 L’inscription au programme de travail

Si l’évaluation d’opportunité est favorable, le secrétaire de la CN compétente inscrit l’étude au programme français de normalisation. Il est à noter que, dans le cadre de la directive européenne 98/34, les autres membres du CEN sont informés de cette inscription.

2.4 L’élaboration du document

La mise au point du document de travail est faite soit :

  • en reprenant un document existant connu
  • ex nihilo mais à partir d’éléments fournis par les différents partenaires intéressés par le sujet

2.5 La consultation formelle de la CN compétente

Cette étape est réalisée par le secrétaire de CN qui peut soit :

  • procéder à une consultation par correspondance (=enquête commission) avec une durée variable
  • proposer d’examiner la question en inscrivant ce point à l’ordre du jour d’une réunion de CN

2.6 L’enquête probatoire

Pour les documents qui ont vocation à devenir des normes, une enquête probatoire est réalisée pour s’assurer de la conformité du document à l’intérêt général et vérifier l’absence d’objections formelles/majeures. L’enquête probatoire nécessite l’accord de la CN, est annoncée sur le site de l’AFNOR et dure de manière habituelle deux mois. Un dépouillement des résultats et des commentaires est assuré par la CN, élargi aux auteurs d’observation, en respectant la règle de l’anonymat. Le document de dépouillement avec les suites données à chaque commentaire est adressé aux destinataires de la réunion de dépouillement en vue d’un accord final.

2.7 L’homologation et la publication

L’homologation intervient pour les documents avec un statut de norme.

Le projet de norme, accompagné d’un rapport d’homologation précisant la suite donnée aux éventuels commentaires des pouvoirs publics, est notifié au ministère de l’Industrie. Celui-ci peut s’opposer dans un délai d’un mois à dater de la notification à l’homologation de la norme. Si c’est le cas, la CN doit examiner ce refus. Si ce n’est pas le cas, le directeur général d’AFNOR homologue la norme.

La publication est ensuite assurée par l’AFNOR pour conclure le processus.

3. Comment ces documents sont-ils élaborés au CEN et à l’ISO ?

Pour une norme européenne ou internationale, on distingue principalement trois grandes étapes.

3.1 La proposition de travail

Un nouveau sujet d’étude peut être proposé et inscrit au programme de travail d’un comité technique à l’aide d’un formulaire.

Ce formulaire sert généralement à justifier le contexte de la demande, fait mention d’éventuels travaux en appui et propose un chef de projet.

3.2 L’enquête

Lorsqu’un sujet est suffisamment stable et consensuel, une période d’enquête d’environ 5 mois est réalisée : le projet de norme est diffusé à l’ensemble des pays membres partenaires de l’organisme et ceux-ci donnent une position assortie en tant que de besoin de commentaires.

3.3 Le vote formel

L’approbation du texte final s’effectue au moyen d’un vote formel. Les pays membres sont une fois encore invités à faire part de leur position, en ne pouvant cette fois faire que des commentaires d’ordre rédactionnel.

Note : contrairement au niveau national, il faut remarquer que les différents mécanismes du CEN et de l’ISO s’accompagnent de modalités d’approbation particulières. Alors que le principe du consensus s’applique au sens strict en France pour l’élaboration des normes, le CEN et l’ISO mettent par exemple en place des seuils en pourcentages de vote positif et négatif pour approuver un projet de norme.

Note : des accords signés en 1991 instaurent des coopérations techniques entre le CEN et l’ISO. Ce dispositif permet, entre autre, d’échanger des informations, de mettre en place des coopérations pour la rédaction de normes, d’avoir des modalités conjointes d’approbation

Les organismes en charge des normes STI

Les organismes en charge des normes STI se déclinent aux trois niveaux national (BNTRA), européen (CEN et ETSI) international (ISO).

Le BNTRA

Au niveau français, le BNTRA (bureau de normalisation des transports, des routes et de leurs aménagements) est responsable de l’essentiel des commissions de normalisation productrices de normes ITS.

Il a notamment à sa charge :

  • la CN01 "Péage routier et autoroutier et contrôle d’accès"
  • la CN02 "Gestion de la flotte et du fret"
  • la CN03 "Transport public"
  • la CN04 "Information aux voyageurs"
  • la CN05 "Régulation du trafic routier"
  • la CN08 "Données routières : élaboration, stockage, diffusion"
  • la CN09 "Communication infrastructures/véhicules à courte portée"
  • la CN12 "Identification automatique des véhicules"
  • la CN13 "Appel d’urgence"
  • la CN16 "Systèmes coopératifs"
  • la CN ADAS "Systèmes d’aide à la conduite routière"

Il faut noter que certaines commissions de normalisation, ayant un lien ou un intérêt pour les ITS, peuvent être hébergées dans d’autres structures notamment l’AFNOR : ex. CN IGS (Information Géographique et Spatiale)

Le CEN

Au niveau européen, le CEN à travers son comité technique TC/278 "Road Transport and Traffic Telematics" est responsable des structures de normalisation dans le domaine des ITS. Ses groupes de travail (WG) sont miroir des commissions françaises et on peut ainsi recenser :

  • le WG1 "Electronic Fee Collection"
  • le WG2 "Freight"
  • le WG3 "Public Transport"
  • le WG4 "Traffic and Traveller Information"
  • le WG5 "Traffic control"
  • le WG8 "Road traffic data"
  • le WG9 "Dedicated Short Range Communication (DSRC)"
  • le WG12 "Vehicle identification"
  • le WG13 "ITS Architecture"
  • le WG14 "Recovery of stolen vehicles"
  • le WG15 "eCall"
  • le WG16 "Cooperative ITS"

L'ETSI

L’ETSI à travers son comité technique TC/ITS joue également un rôle majeur dans le champ des transports intelligents. Cinq groupes de travail constituent ce comité :

  • le WG1 "Application Requirements and Services"
  • le WG2 "Architecture and Cross Layer"
  • le WG3 "Transport and Network"
  • le WG4 "Media and Medium related"
  • le WG5 "Security"

L'ISO

Au niveau international, l’ISO à travers son comité technique TC/204 "Intelligent transport systems" est responsable des structures de normalisation dans le domaine des ITS. Ses groupes de travail et leur objet (WG) sont ne pas forcément miroir des commissions françaises :

  • le WG1 "Architecture"
  • le WG3 "TICS Database Technology"
  • le WG4 "Automatic Vehicle Identification"
  • le WG5 "Fee and Toll Collection"
  • le WG7 "General Fleet Management and Commercial/Freight"
  • le WG8 "Public Transport and Emergency"
  • le WG9 "Integrated Transport Information, Management and Contol"
  • le WG10 "Traveller Information Systems"
  • le WG14 "Vehicle/Roadway Warning and Control Systems"
  • le WG15 "Dedicated Short Range Communications for TICS Applications"
  • le WG16 "Wide Area Communications / Protocols and Interfaces"
  • le WG17 "Nomadic & Portable Devices for ITS Services"
  • le WG18 "Cooperative systems"

Note :

Dans le domaine des ITS et donc des nouvelles technologies, il faut observer que de nombreuses structures de standardisation existent et produisent des documents qui peuvent faire référence. On peut par exemple penser à l’UN/CEFACT pour les échanges électroniques, l’IEEE, le W3C, etc. Stricto sensu, ces organismes ne produisent pas de normes (et n’ont pas toujours le même niveau de formalisme des procédures ni le respect de certain principes, inhérents à la normalisation).

Initiatives privées : TAPA EMEA

Le TAPA (Association pour la protection des marchandises transportées) est une association qui anime un forum d’échanges qui regroupe tous les acteurs de la sécurisation de la chaine logistique dans le but de réduire les pertes liées aux vols dans le transport international.

Le TAPA a été créé par les industriels de la « haute valeur ajoutée », clients et donneurs d’ordres du transport. Pour réduire les vols, il a établi des prescriptions de sécurité, organisées sur trois niveaux et portant sur le transport routier et sur les nœuds logistiques. Il tient à jour une base de données sur les incidents afin de permettre aux professionnels de mieux identifier les risques zonaux et d’adapter leurs niveaux de précaution ou leurs itinéraires. Le TAPA a des échanges réguliers avec les autorités et forces de l’ordre des pays de la zone.

Les prescriptions de sécurité développées par le TAPA s’appuient sur des « solutions intelligentes » et permettent de bien mesurer le potentiel de ces technologies dans le domaine.