La vie robomobile #003


 

Atelier prospectif la vie robomobile

VA: des choix sociaux,  sociétaux et (géo)politiques avant d'être industriels et technologiques  ?

Le véhicule autonome a été porté à l’origine par des ingénieurs et perçu dès les années 2000 comme un moyen de relancer l’industrie automobile à l’heure où la voiture devait se réinventer. Les yeux rivés sur l’innovation technologique, au point de ne pas en envisager dans leur globalité les usages sociaux, sociétaux, voire (géo)politiques ?

Trois groupes de pays se distinguent par les équilibres qu’ils développent, comme nous avons pu le constater lors de notre 2e Grand Rendez-Vous annuel de l’Atelier prospectif « la vie robomobile » organisé le 28 juin 2019 et auquel ont participé des acteurs du monde entier. 

Tout d’abord les pays qui, comme la France, l’Allemagne, les Etats-Unis, le Japon ou la Corée du Sud défendent leurs constructeurs historiques, craignant d’être dépassés, voire balayés par les nouveaux acteurs que sont les géants venus du numérique  - Uber, Google, Tesla, Baidu, Tencent, Alibaba, etc. - qui mènent des stratégies offensives, voire agressives, pour conquérir ce marché en devenir. Mais si les Etats-Unis parient sur un intérêt du VA en matière de sécurité et d’efficacité dans la collecte d’informations sur la circulation, ils ne privilégient aucun usage et n’ont pas défini de projet. L’Union européenne non plus. Seule la Chine, hors catégorie dans cette typologie, affiche un objectif clair : devenir le leader industriel et dominer le marché mondial.

Deuxième groupe, les pays qui ne fabriquent pas de véhicules et qui réfléchissent davantage à la valeur d’usage de ces technologies. A Singapour, le VA s’intègre au projet politique de «smart city », qui optimise les ressources et l’espace, et qui pourrait être vendu sous forme de services au monde entier. Les Emirats arabes unis poursuivent une même logique, et un objectif géopolitique, celui de renvoyer une image de modernité et d’avant-garde voire, pourquoi pas, de racheter des acteurs du secteur. 

De leur côté, le Brésil, le Mexique, et les grands pays émergents observent le développement du VA de loin et sans savoir comment ils l’utiliseront, tout en se tenant prêts à l’importer une fois au point. Autrement dit, la question de la technologie est centrale mais pas essentielle. Chaque zone géographique et aire culturelle cherche son modèle. Reste à savoir si celui-ci pourra s’épanouir ou si un schéma unique va s’imposer, celui du plus fort, au niveau mondial. Certains arbitrages politiques doivent pourtant être effectués. Et un débat sur les dimensions sociales et sociétales du VA encouragé.

L'atelier anime le débat

En matière de transports publics, le déploiement de véhicules autonomes laisse entrevoir de « nouvelles opportunités » et des « menaces », a souligné Charles Raux lors du Grand Rendez-Vous. D’un côté, le VA pourrait accroître l’attractivité des taxis et VTC et vider les transports publics d’une partie de leur clientèle, ou encourager l’usage de la voiture, voire une « renaissance» automobile. D’un autre côté, le  déploiement de VA permet de faciliter les trajets de ceux dont la mobilité est altérée, réduire les coûts opérationnels liés aux dépenses de personnel, mais également le nombre de places de parking, ce qui pourrait encourager les mobilités partagées et libérer de l’espace public.

Plus d’espaces piétons, moins de voitures aux trois quarts vides. C’est également l’espoir de Pierre Musseau, de la Ville de Paris. La mobilité autonome, avant d’être un marché à investir, peut devenir un allié objectif des politiques de reconquête de l’espace public, d’un urbanisme de proximité, d’une meilleure intégration de l’offre de transports urbains et suburbains, estime le conseiller à la Ville qui voit la robomobilité comme un levier de l’aménagement urbain. A la condition que la puissance publique se dote des moyens juridiques, techniques, économiques et financiers adaptés. Notamment d’une régulation des offres et des acteurs en créant un système de licences interopérables à l’échelle européenne, déclinées dans les Etats-membres et localement. 

Régulation et politiques publiques font partie des facteurs qui influencent les approches nationales de la robomobilité. Comme les technologies et l’innovation, ou l’état des infrastructures, a rappelé Johanna Zmud, du Texas A&M Transportation Institute. Quatrième élément :  la demande du consommateur, « la plus grande inconnue ». Si 25% des personnes sondées par Capgemini Research Institute déclarent qu’elles se verraient bien circuler l’an prochain en VA plutôt que de conduire leur voiture, elles sont 64% à s’imaginer faire ce choix dans dix ans. Avec de fortes disparités nationales : en Chine, 68% des personnes interrogées par J.D.Power disent avoir confiance dans la technologie du VA, mais 30% au Japon, 21% aux Etats-Unis et 19% en Allemagne.

« Les décideurs politiques, l’industrie automobile et les médias ont compris que l'acceptation et l'utilisation sont aussi cruciales que les technologies elles-mêmes » abonde, à propos du cas allemand, Barbara Lenz, du DLR Institute of Transport Research, de l’Université Humboldt à Berlin. Et pourtant, « les approches en matière de transport automatisé sont ‘’fragmentées’’ en ce sens qu’il existe peu de collaboration entre les parties prenantes - chacun a ses propres problèmes. » Les constructeurs nouent des partenariats, investissent en R&D ; les opérateurs de transports publics expérimentent des navettes et se concentrent sur la digitalisation, vue comme un préalable à l’automatisation. Les pouvoirs publics débloquent des fonds pour la recherche, créent une Commission d’éthique et réfléchissent à la communication à destination du grand public. En Allemagne, « le discours public ne porte pas sur La vie robomobile mais sur les Quand ? Où ? Comment ? de l’automatisation du transport routier » prévient Barbara Lenz.

En 2019, le Forum « Preparing for AVs and shared mobility » a défini dix grandes questions à discuter pour mieux appréhender les implications à long terme du développement du véhicule autonome, a rappelé Katherine Kortum, du Transportation Research Board. mettant en lumière la manière dont l’Amérique du Nord s’empare du sujet : l’accent est placé sur l’utilisation des données et la sécurité. La discussion qui a eu lieu lors du Grand rendez-vous a cependant montré que, des deux côtés de l'Atlantique, il existe de fortes similitudes entre les sujets d'intérêt et les modes de questionnement.

Et ailleurs...

LIVREThe culture of AI, d’Anthony Eliott, Routledge

Le sociologue montre en quoi la révolution de l'intelligence artificielle ne concerne pas tant les cyborgs et les super-robots que les mille et uns changements apportés à notre vie quotidienne, via une technologie qui soutient le développement de tant d’autres. Recommandations d’Amazon, recours à Uber, voire à un assistant personnel pour parler avec des chatbots, robots industriels, voitures autonomes, drones militaires : quels sont leurs impacts sur notre vie privée, le marché de l’emploi et les interactions sociales ?

ARTICLEShared Autonomous Vehicle Simulation and Service Design, IRT System X et CentraleSupélec

Le véhicule autonome partagé (SAV) fait partie des services robomobiles imaginables, qui pourrait voir fusionner le taxi et le covoiturage dans un mode de transport unique. Cette étude évalue les performances de différentes flottes de VA partagés dans la région métropolitaine de Rouen Normandie, en France. Les résultats suggèrent que la performance des SAV est fortement corrélée à la taille de la flotte et à la stratégie des individus, selon qu’ils préfèrent des courses individuelles ou partagées.

PRESENTATIONSBreakout reports, Automated Vehicles Symposium

Lors de l’Automated Vehicles Symposium qui s’est tenu à Orlando en juillet, les ateliers ont permis à différents acteurs nord américains de présenter la manière dont ils envisagent l’avenir du VA. Chacun avec ses priorités. Les infrastructures - des voies dédiées - pour l’Agence de planification des transports de la région de San Diego. La sécurité et les bus autonomes pour la Central Texas Regional Mobility Authority. Tandis que Side Walk Labs, une filiale de Google, revisite dans un quartier de Toronto, la manière dont les rues sont conçues, dessinées, aménagées, organisées et gérées, pour redonner la priorité aux piétons et aux cyclistes, tout en proposant un haut niveau de service pour les dessertes basées sur les véhicules automatisés et connectés. Vous trouverez ici leurs présentations.

ARTICLENew studies highlight driver confusion about automated systems, IIHS-HLDI

« Les niveaux actuels d'automatisation pourraient potentiellement améliorer la sécurité », déclare dans cet article David Harkey, président de l'Insurance Institute for Highway Safety. « Cependant, à moins que les conducteurs aient une certaine connaissance et compréhension, ces nouvelles fonctionnalités sont également susceptibles de créer de nouveaux risques. » Une étude a révélé que les conducteurs ne comprenaient pas toujours les informations importantes communiquées par les écrans du système. Une autre que des messages erronés pouvaient leur être envoyés.

SITE INTERNETLEVITATE project

Parce que « les attentes en matière de sécurité, de mobilité, d'environnement et de croissance économique sont élevées » concernant le VA, et « étant donné que ces systèmes ne sont pas encore largement utilisés » et que « les données et les connaissances sur les impacts sont insuffisantes », le projet de recherche H2020 LEVITATE a pour objectif d'élaborer des outils pour aider les villes, les régions et les gouvernements nationaux européens à se préparer à voir augmenter le nombre de véhicules automatisés (voitures, transports publics, logistique), en se focalisant sur leur impact sociétal. L’Atelier prospectif "La vie robomobile" participe aux séminaires de suivi du projet. 

Agenda

Cette enquête est menée par le laboratoire de géographie Espaces, Nature et Culture de Sorbonne Université-Lettres, dans le cadre d'un projet de recherche soutenu par l'Atelier Prospectif « la vie robomobile » et financé par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Elle a pour objectif d'interroger les pratiques de déplacement, les imaginaires et les représentations quant aux transports du futur auprès de différents panels transgénérationnels et transprofesionnels. Les participants de l'Atelier Prospectif « La vie robomobile » constituent l'un de nos panels.

Ça se passe ici, et ça prend 10 minutes. Merci !

  • 2 octobre 2019 
    Séminaire du "cercle moteur", La Défense.

Au programme du séminaire, le partage des enseignements de la mission qui s’est rendue à Orlando en juillet, où s’est déroulé le séminaire d’été du Forum « Preparing for AVs and shared mobility » organisé par le TRB et le symposium « Automated Vehicles ». Quelles sont les implications en matière de politiques publiques du passage de scénarios d’automatisation partielle à des scénarios d’automatisation totale (niveau 5) ? C’est l’une des questions que nous avons abordées. Le séminaire a également lancé le travail de co-construction du Grand Livrable 2019 de l’Atelier, autour du concept d’un « Atlas prospectif de la planète robomobile ».

Contact : lavierobomobile@developpement-durable.gouv.fr

Pour sa 15e édition, le Salon international des solutions de transport routier et urbain a identifié sept grands enjeux, dont la connectivité et l'automatisation des véhicules, l’électrification des infrastructures et des véhicules, les nouveaux enjeux de la logistique et leurs répercussions sur la filière transport, ou encore les nouveaux modes de transports. Cinq jours, 610 exposants, 18 pays représentés. L'Atelier prospectif "La vie robomobile" était présent sur l'espace "Solutrans 4.0" sur l'invitation du pôle CARA.

Contact : philippe.gache@renault-trucks.com​

  • 5 décembre 2019
    Workshop "Ville intelligente, qualité de vie, avec les mobilités collaboratives, connectées et automatisées", Copenhague. 

Ce séminaire fait partie du programme de travail d'un projet européen intitulé  ‘Cooperative, Connected and Automated Mobility – EU and Australian Innovations’ (CCAMEU) dans le cadre du Jean Monnet Network.  Le séminaire est organisé par l'université d'Aalborg, en partenariat avec l'université de Nürtingen-Geislingen et l'université de South Australia. Le workshop portera sur différents aspects de la manière dont ces CCAM impactent "the smart and livable city" avec un focus particulier sur la mobilité, les environnements urbains et les modes de vie du quotidien. Le workshop sera organisé en trois sessions: Smart technologies and robotics in the livable city, Automated mobility in the livable city, Everyday mobility in the livable city.

Contact : lavierobomobile@developpement-durable.gouv.fr

  • 6 février 2020
    Séminaire "scénarios prospectifs d'infrastructures de robomobilité", La Défense

Dans le sillage du Grand Rendez-Vous international de l’Atelier en juin dernier, la question des infrastructures sera de nouveau au coeur de nos réflexions, cette fois-ci à l’échelle nationale. Plusieurs scénarios prospectifs de modèles et de systèmes d’infrastructures robomobiles seront explorés, à la fois concernant la mobilité des personnes et le transport de marchandises. La mise à niveau des infrastructures existantes, les besoins de création de nouveaux réseaux, le financement des investissements, les modèles économiques d’exploitation, l’intégration entre les différentes couches physiques et numériques, l’accès aux réseaux, les différentes approches pour les Operational Design Domain, font partie des sujets au menu.

Contact : lavierobomobile@developpement-durable.gouv.fr

  • 17 ou 20 mars 2020
    Séminaire design-fiction "Ethique et modes de vie dans les villes et territoires à l'heure de la robomobilité", Espace 34 Grande Arche de La Défense.

Fort de son approche expérimentale et de sa volonté d'ouvrir le champ de la réflexion à un plus large public, l'APVR prépare un Atelier de "design fiction", avec l'appui d'une anthropologue et de jeunes diplômés designers. Le thème retenu est l'un des 9 axes : "éthique et robomobilité". Aussi appelé "design spéculatif", il s'agit d'une expérience immersive de scénarios autour desquels une animation dédiée permettra de faire émerger commentaires et recommandations. Bloquez la date et manifestez-vous pour y participer !

Contact : lavierobomobile@developpement-durable.gouv.fr

  • 23 et 24 avril 2020
    Grand Rendez-Vous Annuel 2020 à Paris-La Défense.

Après un tour d’horizon autour de 9 parcours thématiques en 2018, l’ouverture à l’international en 2019, notre 3e Grand Rendez-Vous annuel aura pour thème principal « Les villes et territoires à l’aune de la vie robomobile ». Si la robomobilité relève bel et bien d’un mouvement mondial, sa traduction concrète n’en sera pas moins locale et localisée, avec des problématiques à la fois très concrètes d’aménagement du territoire, mais aussi des enjeux de démocratie locale et d’appropriation citoyenne. Acteurs des territoires, venez explorer avec la communauté de l’Atelier, ces futurs robomobiles et les implications en matière de politiques publiques territoriales. Programme à venir.

Contact : lavierobomobile@developpement-durable.gouv.fr

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