La vie robomobile #002

Nous dirigeons nous vers des usages du véhicule robomobile universellement adoptés ou des spécialisations de niche ?
Au Japon, la population décline, et vieillit. Résultat : la main d’œuvre manque pour conduire les personnes âgées et leur livrer des marchandises, surtout dans les campagnes. D’où le pari qu’a fait le pays d’utiliser les technologies robotiques pour accompagner ce défi démographique : la navette et les modes de livraison autonomes sont des avatars de cette « robolution ». Les Etats-Unis manquent également de chauffeurs et se demandent si des robocamions pourraient prendre le relais, pour avaler par la même occasion des milliers de miles en un temps record. L’Australie y réfléchit aussi. La Chine, elle, entend d’abord transporter sa nombreuse population à bord d’autobus automatisés et œuvre avec un volontarisme prononcé pour s’imposer comme le leader mondial du marché des véhicules intelligents et connectés. Pendant qu’une mégapole comme Singapour ou des villes pionnières comme Phoenix font des robots-taxi leur priorité pour optimiser la gestion des flux. Les taxis pourraient même voler à Dubaï où un premier prototype a été testé.
Est-ce à dire que les innovations en matière de robomobilité doivent partir de foyers géographiques, de niches en termes d'usages, avant d'essaimer ? Ou qu’il n’existe pas d’utilité du véhicule robomobile qui s’impose à tous, sur tous les continents, dans tous les pays, pour tous les territoires ? Car, même quand la France développe, comme le Japon, des navettes autonomes, elle le fait à sa manière : dans les centres urbains, ou en rabattement vers des pôles de transport. Le savoir-faire français en matière de transport collectif trouve là un terrain d'application, y compris dans les modèles économiques et le développement urbain envisagés.
L’usage du VA serait-il donc éminemment culturel, et socio-économique ? Le robocamion ne pourrait-il pas mettre tout le monde d’accord ? Notre deuxième vidéo lance la réflexion.
L'atelier anime le débat
En matière de robologistique, « avec les capacités de calcul, le big data, les modèles prédictifs (etc.), on pourrait imaginer une ‹ tour de contrôle › par ville, par métropole, par département, par région, par pays, qui saurait tout ce qui rentre et tout ce qui sort, et pourrait par conséquent optimiser les flux et l'impact du transport : nombre de véhicules, nombre de passages, etc. » Dans une discussion prospective, Philippe Gache, directeur du programme système de transports et intelligence de CARA European Cluster for Mobility, invite à réfléchir à une délégation de service public du transport de marchandises. Un tel changement de modèle logistique pourrait être « générateur de gains de productivité pour la collectivité : moins d'usure des routes, moins d'encombrements, moins d'accidents et d'incidents, moins de pollutions de l'air, de nuisances sonores, etc. »
Mythe ou réalité ? Souvent, « le véhicule autonome est présenté comme une technologie miracle, qui va générer des gains de productivité majeurs et une telle flexibilité dans le système qu’on aboutirait à une situation d’adéquation parfaite entre l’offre de transports et les besoins de mobilité, » constatent les membres de l’Atelier prospectif qui se sont penchés sur les « imaginaires sociotechniques » entourant la robomobilité. Ils ont ainsi identifié plusieurs mythes : celui d’Icare évidemment, mais également du contrôle absolu, ou encore de la « terre désolée », à « coloniser ». « Derrière ces mythes, c’est un imaginaire de société qui se dessine, et pas uniquement la promotion d’une solution de transport », analyse l’Atelier.
Cet imaginaire est-il en accord avec les souhaits des citoyens ? Le Forum Vies Mobiles a mené un sondage dans six pays dans le cadre de son enquête internationale « Aspirations individuelles à la mobilité », pour trouver que les personnes interrogées désirent massivement un ralentissement de leurs rythmes de vie, comme le rappelle l’urbaniste Tom Dubois, dont l’intervention lors du Grand rendez-vous de 2018 de l'Atelier a été filmée. Deuxième demande : plus de proximité. Enfin, « dans un contexte où la société serait organisée collectivement », les personnes sondées se disent prêtes à moins consommer, réduire leur déplacement, voire à abandonner leur voiture. Est-on certain que la robomobilité se révèlera un levier puissant vers une mobilité plus maîtrisée, plus utile, plus durable ? Quelle est la réalité du mythe ? Qu’est-ce qui pourrait l’orienter dans la direction souhaitée ?
Pour aller plus loin
Chercheur au Laboratoire Aménagement Economie Transports, à Lyon, Charles Raux, connaît bien le sujet de la délégation de service public des transports, du côté des transports de passagers, et il craint que, « proposé par des acteurs en libre concurrence, le service robomobile [puisse] accélérer l’abandon du service public de transport classique dans les zones peu denses ». La question de l’équilibre entre les pouvoirs public et privé se pose donc bel et bien. Y compris pour le transport de marchandises.
Plus d’articles sur Robomobilité et logistique.
Et ailleurs...
LIVRE — Piloter le véhicule autonome, de Yann Leriche et Jean-Pierre Orfeuil, Descartes & Cie
« La fascination suscitée par l'intelligence artificielle et la compétition entre géants de l'ancien monde (les constructeurs automobiles) et du nouveau (les géants du numérique) ont focalisé l'attention sur les questions technologiques et industrielles. Mais comment un objet aussi disruptif que le VA pourrait-il ne pas bouleverser aussi nos vies, notre expérience de l'espace, de la ville, de la mobilité et ainsi dessiner un nouveau monde, pour le pire ou le meilleur ? » se demandent Jean-Pierre Orfeuil, professeur émérite à l'Institut d'urbanisme de Paris de l'Université Paris-Est, et Yann Leriche, responsable du développement mondial des activités de véhicules autonomes du groupe Transdev. Les auteurs dressent dans cet ouvrage les contours des évolutions sociétales possibles, des plus attendues aux plus surprenantes.
RAPPORT — Lignes directrices pour une IA digne de confiance, Groupe d’experts de haut niveau sur l’IA (UE)
En juin 2018, la Commission européenne a nommé 52 experts pour former le High Level Expert Group on Artificial Intelligence, qui ont remis en décembre leurs premières Ethics Guidelines for Trustworthy Artificial Intelligence. La question de la régulation sera traitée dans un document séparé.
BROCHURE — hyper lieux mobiles, Institut pour la ville en mouvement
« Les experts du transport et de la logistique ont déjà imaginé les conséquences envisageables sur les conditions de la mobilité et l’intégration des véhicules autonomes dans de nouvelles offres de transport. Les designers imaginent des véhicules-bureaux ou des véhicules-salle de sport. Ne faut-il pas aussi imaginer des véhicules-lieux de services mobiles, hybridant des fonctions et démultipliant des usages, qui produiraient des micro-espaces éphémères, mouvants et connectés au monde, et qui deviendraient les hyperlieux mobiles de la ville nomade ? » se demande l’équipe internationale animée par l’Institut pour la ville en mouvement, qui a recensé pas moins de 250 cas d’activités mobiles sur différents continents, et en a étudié quelques dizaines de manière approfondie.
ACTES — Impacts socioéconomiques des véhicules connectés et de la conduite automatisée, Transportation Research Board et Commission européenne
Ce document présente les actes du sixième symposium annuel parrainé par la Commission européenne et les États-Unis, qui s’est tenu les 26 et 27 juin 2018 à Bruxelles, en Belgique. Objectifs de ces colloques : « promouvoir une compréhension commune » et « une coopération transatlantique au sein de la communauté de recherche sur les transports internationaux tout en accélérant l'innovation du secteur des transports dans l'Union européenne et aux États-Unis ».
ARTICLE — Partagé, autonome… et électrique ?, International Energy Agency
De plus en plus de véhicules sont partagés. Ils pourraient bientôt être également autonomes. De quoi modifier radicalement le transport terrestre au cours des prochaines décennies. Quels sont les défis à relever pour que ces véhicules partagés et/ou autonomes du futur soient, en outre, électriques ?
Agenda
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Recherche en cours
Questionnaire "Imaginaires et représentations des transports du futur"
Cette enquête est menée par le laboratoire de géographie Espaces, Nature et Culture de Sorbonne Université-Lettres, dans le cadre d'un projet de recherche soutenu par l'Atelier Prospectif « La Vie Robomobile » et financé par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Elle a pour objectif d'interroger les pratiques de déplacement, les imaginaires et les représentations quant aux transports du futur auprès de différents panels transgénérationnels et transprofesionnels. En tant que membre de l'Atelier Prospectif, « La Vie Robomobile », vous nous permettrez de constituer l'un de nos panels.
Ça se passe ici, et ça prend 10 minutes. Merci !
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27 juin 2019
Séminaire international de recherche sur la vie robomobile, Arche de la Défense.
Ce séminaire associé au deuxième Grand rendez-vous annuel de l’Atelier prospectif est spécialement consacré à la recherche sur les sujets robomobiles, en adoptant une vision élargie aux angles et sujets originaux, à l’échelle internationale. Pour télécharger le programme, c'est ici.
Contact : arantxa.julien@developpement-durable.gouv.fr
- 28 juin 2019
Grand rendez-vous annuel de l’Atelier « La vie robomobile », à Marne-la-Vallée.
Très largement ouvert à l’international, ce deuxième Grand rendez-vous annuel de l’Atelier prospectif vise à croiser différentes approches et réflexions qui interrogent les mêmes horizons (à 360° et à long terme). La journée alternera des plénières de partage et de débat avec nos correspondants internationaux, avec des « sprints prospectifs » favorisant l'exploration collective en petits groupes. Venez nous aider à décrypter les innovations robomobiles de la prochaine décennie et leurs impacts sur les systèmes de mobilité, imaginer ce que pourrait être un projet social et territorial robomobile, négocier et conclure un accord fictif d'un sommet international consacré aux enjeux robomobiles, définir la position hypothétique d'une grande ville européenne face à un GAFA proposant de déployer son système robomobile, co-construire des scénarios prospectifs de rupture sur le développement des infrastructures physiques et numériques, et enfin, faire un bond dans le futur du travail, en s'inspirant d'exemples dans le domaine militaire, agricole ou du numérique. La journée se conclura par un dialogue avec Barbara Lenz (Allemagne), Johanna Zmud (Etats-Unis) et Pierre Musseau (France).
Pour vous inscrire : christian.long@stratys.net
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du 4 mai au 13 juillet 2019
Biennale d'architecture et de paysage, 1ère édition, à Versailles
La Société du Grand Paris "bat pavillon" à la Bap! avec l'exposition "horizon 2030" dans le bâtiment de l'ancienne poste de Versailles. Pour la première fois, le public pourra voir les maquettes des 68 gares du futur métro. Une rétrospective 1830-2030 de l'histoire des transports et des utopies urbaines est présentée, dont Arnaud Passalaqua a été l'un des commissaires. Il y est souligné à quel point l'évolution des transports n'est qu'un reflet des changements dans les modes de vie et la société, avant de consister en des inventions et innovations techniques.
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du 7 juin au 1er septembre
Exposition "Les routes du futur du Grand Paris", Pavillon de l'Arsenal Paris
Cette exposition présente les résultats de la consultation internationale auprès de quatre équipes pluridisciplinaires. La question des usages de la route y est évidemment particulièrement étudiée, et par conséquent les impacts et transformations liés aux technologies robomobiles. Plusieurs scénarios ont été explorés par les équipes quant à l'introduction plus ou moins limitée ou massive des véhicules autonomes, et les implications sur l'aménagement du Grand Paris et l'articulation entre la multiplicité des modes routiers et les modes massifiés. Du 17 juin au 13 octobre, l'exposition sera itinérante et fera étape dans dix territoires en Ile-de-France.
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du 14 au 18 juillet 2019
Automated vehicles symposium, Orlando (Floride)
Le Symposium sur les véhicules automatisés est parrainé par le Transportation Research Board et par l’Association for Unmanned Vehicle Systems International. L’événement comprend des ateliers spécialisés par petits groupes sur la sécurité, la mobilité, l'énergie et les impacts environnementaux des véhicules ainsi que des séances plénières animées par des experts. Les 14 et 15 juillet, le Forum for Automated Vehicle and Shared Mobility tiendra son séminaire d'été. L'Atelier y participera.
— L’Atelier prospectif “La vie robomobile”