La vie robomobile #001

La longue marche du véhicule autonome: où en est -on ?
Si la voiture 100% sans conducteur est un vrai serpent de mer vieux d’au moins 30 ans, les atouts technologiques d’aujourd’hui donnent plus de raison d’y croire, pour un avenir pas si lointain (mais pas si proche non plus). L’Atelier prospectif « La vie robomobile » a été pensé et créé en 2017 pour réfléchir collectivement à cette évolution avec les outils de la prospective. Pour ce faire, nous avons choisi d’imaginer un futur franchement « robomobile » et de l’interroger, sur tous les plans, en ce qu’il diffèrerait radicalement du présent. Notre focale est large, internationale, interdisciplinaire, trans-sectorielle, et notre approche, tout en prenant en compte les enjeux technologiques, industriels et techniques, considère tous les changements qui pourraient advenir : tant au niveau des systèmes productifs ou des chaînes logistiques que dans l’organisation sociale, les modes de vie ou le rapport au temps des futurs utilisateurs. Notre but est d’anticiper la disqualification, voire l’implosion, de quelques cadres fondamentaux – économiques, institutionnels, régulatoires – qui s’imposeraient en route. Et, entre autres, d’éclairer la décision publique à court et moyen termes, à toutes les échelles.
Notre petit « Grand cercle » de réflexion associe plus de 150 entités ou personnes-ressources : élus et techniciens territoriaux, administrations de l’Etat, industriels et agents économiques de tous secteurs (bien au-delà de l’automobile ou de la mobilité), universitaires et chercheurs industriels, aménageurs et urbanistes, fondations, associations de citoyens. L’Atelier organise des séminaires. Il est également ouvert à tous types de contributions ou d’association : projets de recherche, événements co-organisés, travaux et articles, dont certains publiés sur le site Internet de l’Atelier. Nous avons aujourd’hui envie d’élargir encore ce Cercle et d’entendre, de lire, d’échanger avec de nouveaux acteurs intéressés. D’où cette lettre d’informations, qui sera trimestrielle.
Le moment a son importance, pour nous à l’Atelier. Le véhicule autonome, ré-annoncé au monde entier en 2015-2016 – avec quelques outrances qui aujourd’hui apparaissent – atteint une étape charnière de sa trajectoire d’émergence. ouvrant une nouvelle phase : de segmentation et de maturation à la fois. Si des premières fonctionnalités de pré-pré-autonomie sont déjà commercialisées, chacun peut voir le chantier colossal qui reste à développer. Comment passer du comportement d’un véhicule isolé à la gestion collective de milliers de VA ? Sous la responsabilité de quels acteurs et avec quel modèle économique ? À quelle échelle, moyennant quelles transformations des modes de vie, pour quels usages et avantages des citoyens et usagers ? L’avenir ou les avenirs de la robomobilité sont loin d’être tout tracés. C’est à quoi nous voulons réfléchir ensemble.
L'atelier anime le débat
« À quoi va servir le véhicule autonome, quel est le problème qu’il va nous aider à résoudre ? Comment cela va-t-il nous aider à mieux gérer nos villes ? » se demande Suzanne Hoadley, du réseau Polis, qui a entrepris d’identifier les défis et les enjeux du véhicule autonome du point de vue des villes et des régions européennes. Pour la spécialiste des systèmes de transport intelligents, le chemin est encore très long à parcourir pour voir rouler des véhicules autonomes en ville, et il s’agit de ne pas « tomber dans le ‹ hype ›, car cela crée des attentes, qui ne sont pas réalisables. »
Chargé du projet du Grand Paris, Jean-Louis Missika estime dans un entretien vidéo que, d’ici 5 ou 10 ans, des véhicules autonomes rouleront sur ce territoire. Conséquence majeure : « le modèle de la gestion, de la gouvernance de la mobilité est à revoir complètement », prévient l’adjoint à la maire de Paris. « Aujourd’hui, certaines routes sont gérées par l’Etat, d’autres par les départements, d’autres par les villes et on voit bien que tout cela devra demain fonctionner ensemble à partir de ce concept de mobilité comme service ».
L’architecture également est à repenser. « Si la voiture, qui a dominé tout notre XXe siècle, a complètement (...) transformé nos villes, nos campagnes et notre architecture, [et que nous faisons] l’hypothèse que ce véhicule n’est plus le même, à ce moment-là quelles sont les transformations qui arrivent ? » invite à se demander l’architecte Dominique Rouillard, pour qui seul un véhicule connecté écologique serait intéressant « du point de vue de l’architecte et de la ville ».
Le constat est valable pour la logistique. Dans cette Revue de solutions de robologistique, l’IAU Île-de-France montre à quel point les technologies d’automation et de robotisations se sont déjà déployées à toutes les étapes de la chaîne logistique. Avec leur lot de questions : tous les territoires doivent-ils pouvoir accueillir ces machines en mouvement, avec quelle sécurité pour les personnes, quelles responsabilités juridiques ? Autrement dit, quelle est la place de l’homme dans la chaîne logistique du futur ?
Pour aller plus loin
En ajoutant la 3D à notre vision de la ville du futur, dans son article Robomobilities in the future drone city, Anna Jackman, chercheuse en géographie à la Royal Holloway University à Londres, montre l’importance des drones dans les projets de développement de la robomobilité, et surtout à quel point leurs usages peuvent changer en profondeur les ambiances urbaines, la gestion de la sécurité, les comportements de consommation, la logistique urbaine, etc. Elle soutient la thèse que les drones ne sont pas juste une innovation technologique de plus, mais le signe d’une mutation radicale des écosystèmes urbains et, ce, même si leur emploi reste limité à certains secteurs ou besoins spécifiques.
Ces articles sont issus de notre Grand livrable 2019, qui rassemble 28 contributions d’acteurs, d’experts, d’observateurs de la vie robomobile, venant d’horizons professionnels variés. Vous pouvez parcourir le Grand livrable en mode « EXPLORE ».
Et ailleurs...
EXECUTIVE BRIEF — NASA Urban Air Mobility (UAM) market study
Plus connue pour ses activités spatiales, l’agence américaine de la NASA lance le programme Urban Air Mobility destiné à examiner le potentiel offert notamment par les véhicules aériens autonomes – unmanned air system – pour le transport urbain et à favoriser les mutations à venir. Plus généralement, le programme de la NASA considère la cohabitation de véhicules autonomes et de véhicules pilotés, dans l’environnement urbain de grandes métropoles. Un programme de qualification des véhicules doit être proposé dès 2019.
ÉTUDE — du Think Tank UNIR (Prévention Routière)
Soucieux de connaître les mots utilisés pour parler du véhicule autonome, le think tank Unir, initié par l’association Prévention Routière, et BVA ont quantifié et qualifié l’opinion exprimée sur les réseaux sociaux. En 21 mois (du 30 novembre 2016 au 30 août 2018), 5 millions de messages ont été analysés grâce aux techniques du big data. Cette étude révèle un écart majeur entre les mots utilisés et la réalité perçue ou rêvée, ainsi qu’un essoufflement de l’intérêt de ce sujet dont les médias ne s’emparent pas sauf à le traiter comme un fait divers, en cas d’accident. Pour en savoir plus sur Unir et l’étude, prenez contact avec l’équipe permanente.
LIVRE — Les Imaginaires et les Techniques, de Marina Maestrutti et Fabian Kröger, Transvalor – Presses des mines.
Cet ouvrage s’intéresse au rôle de l’imaginaire et du symbolisme dans la construction de nos représentations sociales des techniques, à travers l’histoire et les contextes culturels. Il propose des éclairages précieux pour nous aider à mieux cerner et décrypter les imaginaires de la robomobilité.
LIVRE — Des robots dans la ville, de Pierre Musseau et Jean-Louis Missika, Taillandier.
Faut-il dire adieu à la voiture individuelle ? La profession de chauffeur-livreur va-t-elle disparaître ? Qui détiendra le pouvoir sur les données, les algorithmes et l’organisation de cette nouvelle mobilité ? « Ce livre s’adresse aux citoyens comme aux pouvoirs publics : si on ne réfléchit pas à cet avenir très proche, toutes les dérives sont possibles », préviennent les auteurs.
PRÉSENTATION — Forum for preparing automated vehicles and shared mobility
Dans le cadre du tout jeune Forum for preparing automated vehicles and shared mobility, le Transportation Research Board (TRB) a identifié dix questions prioritaires de recherche à traiter pour relever les défis sociétaux, sociaux et territoriaux posés par l’émergence et le développement des véhicules autonomes. Ces dix questions de recherche, très inédites aux États-Unis, feront l’objet d’une analyse approfondie en 2019 par le TRB, dorénavant notre partenaire. Le document en lien propose un traitement synthétique de ces questions.
Agenda
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5 mars 2019 :
lancement de notre Appel ouvert à projet de recherches
Dans la suite de la première vague de recherche initiée en 2017, cet appel à projets lancé par la DGITM vise à alimenter les travaux prospectifs de l’Atelier autour de quatre thèmes : les infrastructures et équipements, la structuration sociale, le travail et l’emploi, les imaginaires de la robomobilité des personnes. Un volet « blanc » est également proposé.
Infos : cliquez-ici pour accéder au texte de l'AAP
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Jusqu’au 29 avril 2019 :
exposition Mobile – Immobile, aux Archives Nationales, à Paris.
Des regards d'artistes contemporains et de chercheurs sont associés aux fonds d'archives pour souligner « l'ambivalence de nos déplacements, à la fois formidables sources de liberté et d'aliénation ».
Infos : www.archives-nationales.culture.gouv.fr/mobile-immobile
Possibilité d’organiser des visites guidées. Contact : tom.dubois@sncf.fr
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27 juin 2019 :
séminaire international de recherche sur la vie robomobile, Paris-La Défense.
Si le véhicule autonome est un sujet (très) ancien de recherche dans le domaine des transports, sa remise au goût du jour depuis une décennie ouvre de nouveaux questionnements, en particulier dans le domaine des sciences sociales. Cette journée sera consacrée au partage et à la mise en débat de travaux de recherche sur la robomobilité, en adoptant une vision élargie aux angles et sujets originaux, à l’échelle internationale. Au programme notamment (provisoire) : les questions de recherche prioritaires identifiées par le Transportation Research Board (USA), des résultats des projets de recherche soutenus par l’Atelier prospectif, etc.
Contact : arantxa.julien@developpement-durable.gouv.fr
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28 juin 2019 :
Grand rendez-vous annuel de l’Atelier « La vie robomobile », à Marne-la-Vallée.
Notre 2e Grand rendez-vous annuel sera très largement ouvert à l’international. Cinq thèmes-clés pour l'avenir structurent la journée : Horizon 2030 : quelles reconfigurations des systèmes de mobilité pour intégrer la première vague de solutions de robomobilité qui s’annoncent plutôt limitées ou fragmentaires ? Changement social et territorial : quelles implications majeures de la vie dans le « nouveau monde robomobile » ? / Défis aux politiques publiques : quels sont les opportunités, les facteurs-clés, les leviers du point de vue des acteurs publics (nationaux, régionaux et locaux) ? / Infrastructures physiques et numériques : comment gérer l’intrication de multiples générations d’infrastructures, de plus en plus vite obsolètes ? / Travail et marché de l’emploi : quelles opportunités, nouvelles contraintes et quels changements d’organisation dans une économie robomobile ?
Contact : lavierobomobile@developpement-durable.gouv.fr
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Du 15 au 18 juillet 2019 :
Automated Mobilities Symposium, à Orlando (USA).
Le Symposium sur les véhicules automatisés est parrainé par le Transportation Research Board et par l’Association for Unmanned Vehicle Systems International. L’événement comprend des ateliers spécialisés par petits groupes sur la sécurité, la mobilité, l'énergie et les impacts environnementaux des véhicules ainsi que des séances plénières animées par des experts. L’Atelier y interviendra.
Infos : www.automatedvehiclessymposium.org/home
— L’Atelier prospectif “La vie robomobile”