Le marché des STI

Il existe peu de données portées à la connaissance publique sur les coûts de mise en œuvre, de maintenance et de fonctionnement des systèmes de transport intelligent, en tout cas en France. La question budgétaire constitue pourtant un élément déterminant des arbitrages politiques et stratégiques, face à des nécessités réglementaires ou à des choix sociétaux.

Quelques études européennes ou françaises commencent toutefois à esquisser plus ou moins partiellement le volume du marché des systèmes de transport intelligent (voir liens).

Un marché trop morcelé ?

Il faut souligner que les maitres d’ouvrage en matière de systèmes de transport intelligent sont nombreux et de natures différentes : État, collectivités locales (régions, départements, communes), opérateurs ou exploitants privés, entreprises de service, ...

Parvenir à une vision globale du marché est donc d’autant plus difficile, et ce même pour un type de système donné (par exemple le déploiement de systèmes d’information multimodaux). Il en résulte notamment :

  • des économies d’échelles (réalisation de marchés en commun par exemple) non réalisées au détriment des maitres d’ouvrage,
  • un manque de visibilité pour le secteur privé, qui limite ses capacités d’investissement.

Par ailleurs, cette juxtaposition de systèmes induit un risque fort de cloisonnement, frein à l’interopérabilité des systèmes.

Une structure de coût complexe

L’exercice de l’estimation des coûts d’une infrastructure de transport, un nouvel axe routier par exemple, est relativement bien maitrisé. Ceci s’explique par :

  • la structure claire des coûts, entre l’investissement (la construction de la route), le fonctionnement (la maintenance et l’exploitation de la route) et sa déconstruction (ce sujet étant plus récent),
  • l’expérience accumulée, ce type d’opérations d’infrastructure étant pratiqué depuis plusieurs dizaines d’années.

A contrario, le recul sur l’estimation des coûts des systèmes de transport intelligent est bien moindre, et la structure des coûts plus complexe. A titre d’exemple, les principaux postes de dépenses renvoient à :

  • la conception du système : état des lieux, scénario, architecture, plan de déploiement, ...
  • l’acquisition des équipements et le déploiement du système
  • l’acquisition et intégration des données de référence
  • la maintenance du système, sur les aspects équipement (hardware), logiciel (software), informationnel (mise à jour des données de référence) et humains (formation)
  • le fonctionnement du système proprement dit : données (acquisition des données temps réel, mise à jour des données de référence), traitement des données et diffusion (coût des supports).

L’estimation de ces postes est d’autant plus délicate que la visibilité à moyen terme est très limitée. Ceci est notamment dû à :

  • l’évolution rapide des besoins et des attentes des usagers du système (usager de transport en commun, automobiliste, exploitants, ...),
  • la complexité de plus en plus forte des systèmes de plus en plus inter-dépendant, les interactions entre le système déployé et d’autres systèmes s’intensifiant rapidement,
  • la rapide obsolescence des équipements hardware et software, qui limite de facto la durée de vie des systèmes.

Il est à noter que pour limiter au mieux les risques de coûts liés à ces évolutions des systèmes (évolutivité et interopérabilité des systèmes), les projets de déploiement doivent s’appuyer sur :

  • une démarche de conception d’architecture des systèmes, initiée le plus tôt possible dans la vie du projet (voir l’article sur la démarche ACTIF, ci-contre)
  • les normes et les référentiels existants, qui définissent des références stables dans le temps et partagées entre les différents acteurs (entre maitre d’ouvrage et maitre d’œuvre, et entre systèmes).

De la notion de coût à celle de rentabilité

Sans données claires de ce que coûtent réellement les systèmes de transport intelligent, il apparait difficile d’apprécier leur rentabilité, et a fortiori de la quantifier. Toutefois, il semble nécessaire de préciser que cette discussion doit intégrer les points de réflexion suivants :

  • le volet "transport intelligent" reste relativement limité par rapport à l’enveloppe globale d’un projet ; un système d’information multimodale ne représente par exemple que quelques pourcentages du coût total du système de transport en commun ;
  • les bénéficiaires d’un système sont potentiellement nombreux et impactés à différents niveaux ; par exemple un outil d’aide à l’exploitation bénéficiera à l’exploitant, mais également plus ou moins directement aux usagers du réseau ;
  • certains impacts réels sont difficilement estimables et/ou quantifiables, par exemple le gain d’attractivité d’une offre de transports en commun associé à la mise en œuvre d’une billettique interopérable, le gain en confort lié à de l’information routière en temps réel, ou encore les retombées économiques pour un territoire (emplois créés par exemple) ;
  • La question de la valorisation des impacts d’un système est sous-jacente à la notion d’utilité collective, qui intègre elle-même des choix politiques et sociétaux en constante évolution ; par exemple, qu’est on prêt à payer pour réduire collectivement nos émissions de polluants ou de CO2 ? Quelle valeur accorder à la sécurité routière, et donc directement à la vie humaine ? Comment prioriser les dimensions sociales, économiques et environnementales des transports ?
  • les modèles économiques (business models) (c’est à dire la manière dont un organisme acquiert, créée et revend de la valeur) relatifs aux systèmes de transport intelligent sont multiples et pour une part importante encore non stabilisés : financements publiques, privés, ou issus d’un partenariat public/privé plus ou moins complexe ; occupation déficitaire mais stratégique de marchés par certaines entreprises.